Sous le thème « Internet solidaire (exclusions et inclusions dans la société numérique du 21ème siècle) » était organisé le 25 mars 2010 à l’assemblée nationale un colloque passionnant.
Laure de la Raudière, député d’Eure et Loir et rapporteur de la loi de lutte contre la fracture numérique, a ouvert le colloque en rappelant les enjeux : « nous ne sommes qu’au début de cette révolution à la fois technologique, industrielle et sociale qui changera en profondeur nos façons de nous former, de nous soigner...» et en pointant les quatre niveaux d’inégalités sur lesquels il fallait travailler pour être fidèles aux principes d’équité territoriale et d’équité sociale : 1-l’accès à l’Internet 2-l’accès à l’ordinateur 3- l’accès au savoir 4- l’accès aux usages des informations fournies par l’outil. « Le numérique est un formidable outil d’équité sociale » a-t-elle conclu en ajoutant que les intéressés eux-mêmes n’en avaient pas toujours conscience et que « l’action passera par les associations, les collectivités locales ...mais aussi par de gran ds programmes »
Suvirent ensuite plusieurs tables rondes qui mériteraient un compte rendu exhaustif. Je me contente ici d’en extraire quelques phrases glanées ici et là et d’y apporter des commentaires nécessairement subjectifs
1-« les exclus du numérique sont à peu près les mêmes que les exclus de la société »
Globalement vraie cette règle a des exceptions, Je ne me considère pas comme exclu de la société et je suis pourtant, dans mon village lozérien , exclu du numérique.
2-« risque de découplage entre monde numérique et monde réel dans la mesure où se mettent en place dans le monde numérique des principes différents. Une société peut-elle avoir deux référentiels de valeurs différents ? Que faire ? importer nos principes dans le monde numérique ? faire évoluer notre « corps » de principes ? »
Enorme sujet quand on réalise, comme l’a fait remarquer un intervenant, la difficulté d’importer des principes comme ceux du respect de la vie privée ou encore de la propriété artistique dans le monde numérique !
3-« brouillage des frontières entre travail et non travail »
Nous n’en sommes qu’au début . Quand on aura (enfin!) pris conscience des bénéfices économiques, sociaux et environnementaus du télétravail (au sens large et non réducteur de travail à domicile)comme, aux Webs du Gévaudan, nous ne cessons de le dire depuis des années, les « frontières »risquent d’être encore plus difficiles à définir !
4- « nous ne pouvons pas nous payer le luxe de la fracture ►perte de créativité, de richesse »
Tout à fait d’accord. On est trés loin d’avoir pris conscience de toutes les opportunités offertes par cette fabuleuse « matière à réfléchir » que constituent les informations et les échanges. Et quand on pense que cette « matière à réfléchir » , véritable « matière première » de l’économie de la connaissance, est potentiellement disponible n’importe où jusque dans le plus petit village de Lozère, on a du mal à imaginer les bouleversements (dans le bon sens du terme)de la révolution numérique des « cerveaux » dans des cadres de vie nouveaux correspondant mieux aux aspirations de citadins « en mal de campagne » de plus en plus nombreux !
5- « très grande difficulté pour le politiques d’avoir une « expression législative » pour entrer dans ce monde nouveau »
C’est vrai et le chemin sera long car cette expression législative doit accompagner des évolutions voulues par la société lorsque cette dernière aura véritablement pris conscience des enjeux, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui et suppose un énorme travail de pédagogie ! Cela étant il est des domaines beaucoup moins complexes, à commencer par celui de l’équipement du territoire en infrastructures physiques ! la difficulté n’est pas ici de savoir ce qu’il faut faire mais de financer ce que l’on sait qu’il faut faire ! le financement d’un fonds numérique de péréquation pour assurer l’équité territoriale ne dépend somme toute que d’une loi !
6- « est-il possible d’être autonome sans être branché ?»
Cette question de l’animateur d’une table ronde a suscité bien des débats. Pour ma part je réponds « oui » ; c’est une question de choix personnel. Mais pour que le choix soit possible chacun doit etre non seulement bien informé des apports du numérique mais encore disposer, s’il souhaite etre « connecté » d’un accompagnement adapté et d’un outil d’accès ergonomique et relié à une « tuyauterie »identique sur tout le territoire , simple question d’équité dans l’accès à cette nouvelle société de l’information !
7-« les routes terrestres sont aujourd’hui gratuites, sauf exception(certaines autoroutes) . Pourquoi les « routes de l’information ne le seraient-elles pas ? »
Excellente idée ! et qui va bien au-delà de la demande des ruraux : « payer le même prix qu’en ville pour les mèmes services, c'est-à-dire,demain, des services fournis par du très haut débit » !
8-« L’Internet est aujourd’hui indispensable à l’insertion sociale »
Tout à fait sauf à faire subir aux (déjà) exclus une double peine voire une triple peine dans certains cas (senior, rural et pauvre par exemple !)
9-« on n’a jamais autant parlé de fracture »
C’est vrai mais généralement il s’agit de fracture sur les infrastructures en « oubliant » les autres. Le mérite de ce colloque a été d’élargir le spectre et de nous faire toucher du doigt l’interdépendance entre les différentes fractures. N’empèche, la fracture sur les infrastructures demeure. Les Lozériens dont la plupart sont encore en « vrai » bas débit ou en « petit Adsl »en savent quelque chose. Mais, avec l’arrivée prévue du FTTH dans les zones « rentables »,il y a plus grave, la perspective d’un gouffre numérique entre des « privilégiés » disposant de supports puissants et symétriques et les autres n’ayant à leur disposition qu’un support limité et asymétrique !
10-« on voit apparaître un nouveau mot « maîtrise »...maîtrise de l’outil Internet »
Pour maitriser un outil encore faut-il l’avoir. Or l’ « outil Internet » de demain est un outil de très haut débit supporté à la fois par un réseau fixe jusqu’à l’abonné en fibre optique et un réseau complémentaire « aérien » (satellite,Hertzien..). Le problème des infrastructures reste donc entier et l’erreur est toujours « initiale » !
11-« l’entrée dans le numérique est relativement naturelle »
C’est vrai, je crois, lorsque les personnes, motivées (par exemple les grands parents pour mieux comprendre le « monde » de leurs petits enfants) sont accompagnées et lorsque l’"outil" est simple
12-« le numérique bouleverse nos principes, nos fondements, ce qui nous manque, c’est de penser ! »
C’est à mes yeux le point essentiel. Comme l’a souligné l’un des participants les concepts de « liberté,égalité, fraternité » sont nés d’un vaste mouvement de réflexion des créateurs de l’encyclopédie . Il nous reste à transposer ces concepts, de portée universelle dans la société numérique et, pour ce faire, permettre à chacun,quelle que soit sa place « physique » sur le territoire, d’avoir une « place numérique » identique pour pouvoir disposer de cette « matière à réfléchir » que constituent les informations et les échanges !
13-« les personnes en difficulté le sont encore plus lorsqu’elles sont en zone rurale »
Oui,Oui ..et Oui !!
13-« l’équité territoriale n’est pas au rendez vous »
Oui, Oui ..et Oui !!
14-«plus on a de haut débit plus on en demande »
Affirmation de bon sens mais qu’il faut avoir en permanence à l’esprit pour ne pas se tromper dans le choix des investissements, d’où le « combat » des Webs du Gévaudan pour du FFTH à terme et du FTTH "rural"(Fiber To The Hameau) en attendant !
15-« plus les élèves utilisent les TIC plus les résultats scolaires sont bons »
Aujourd’hui les écoliers des zones rurales sont pénalisés ; quant aux lycéens ruraux qui ont la chance de disposer de vrais outils numériques quand ils sont dans leur établissement de la ville voisine, ils ne retrouvent plus à la maison les mêmes ressources ...ce qui n’était pas le cas naguère lorsque l’« outil de travail » était le « bon vieux » cartable ! Luc Chatel a dit un jour « nous sommes dans la situation inédite de l’histoire de l’humanité où l’on voit la première génération avoir davantage accès à l’information que leurs parents » ; encore faudrait-il qu’il n’y ait pas de discrimination dans les possibilités d’accès à cette information. Ce qui est vrai pour les adultes l’est encore davantage pour les jeunes ! On est loin de compte !!
16-« L’investissement fondamental est bien celui de l’éducation et de la formation »
Oui, oui et Oui !! et pas seulement pour les jeunes mais pour tous les citoyens encore exclus ,élus compris même si, pour certains, ça peut demander un certain effort d’humilité !
17-«un formidable espace d’information et de citoyenneté » ...mais trois fractures (sociale,générationnelle,territoriale) s’additionnent sur les mêmes territoires . La solution ne peut venir, principe de solidarité oblige, que s’un système de péréquation »
Oui,Oui et Oui ! Si les parlementaires n’avaient pas voté un système de ce type pour électrifier les campagnes les habitants de mon petit village lozérien s’éclaireraient encore à la bougie !
18-« le PC est une machine qui a atteint ses limites, c’est la machine la plus complexe qui soit ; on assiste à une accélération foudroyante des « mobinautes », le croisement de la courbe « internautes PC et mobinautes » étant prévu pour fin 2012
Ces deux outils d’accès à la société de l’information seront nécessairement complémentaires, l’outil « mobile »pouvant aussi jouer le role outre ses « résultats directs » tout à la fois d’outil de « médiation dans la reconquête de l’estime de soi »que d’excellent outil d’apprentissage car beaucoup plus ergonomique que le PC. Or, comme l’a dit l’un des intervenants « quand une ressource n’est pas ergonomique, elle n’est pas démocratique »
19-«la réduction de la fracture numérique passe aussi et d’abord par les usages »
C’est vrai mais encore faut-il donner le goût des usages et, pour ce faire, avoir des outils adaptés au développement des usages. A la question « faut-il commencer par les infrastructures ou les usages » ? la réponse est pour moi évidente : les deux , l’un « nourrissant » l’autre ! Les nouveaux usages sont souvent créés par des usages et comme les usages font appel à des contenus de plus en plus lourds on est inévirablement ramené à des questions d’infrastructures ! CQFD !
20-« on a tous besoin d’apprendre et si possible tous ensemble » !
Oui Oui et Oui...d’où l’importance , pour revenir au colloque, de diffuser le plus largement possible ce qui a été dit ...et de prévoir des mini colloques de ce type au plus près du terrain !!!
Je ne peux m’empêcher de terminer cette note en disant que, lors de ce colloque, j’ai lancé la « vielle » idée des Webs du Gévaudan de faire de la Lozère, territoire symbole de la ruralité s'il en est, un département expérimental .
Désert numérique aujourd'hui et dont les habitants seront les oubliés du très haut débit demain si nous ne faisons rien, la Lozère , avec un plan Orsec , peut nourrir l'ambition légitime de devenir un département symbole de ruralité modernefaite,comme chacun sait, du "mariage" du terroir et de l'Internet !
Nous avons fait tout récemment une proposition concrète de réaliser rapidement une expérimentation sur 2 cantons avant de l’étendre à toute la Lozère.
L’environnement général et la réaction spontanée d’intervenants du colloque nous encouragent à poursuivre notre « combat » pour que les décideurs locaux et nationaux fassent rapidement « avancer » cette proposition pour profiter des opportunités actuelles...
@vos commentaires...si vous voulez bien;-)
Pierre Ygrié
« L’article ci-dessous a été écrit par le responsable d’une association voisine qui se bat depuis plus de 10 ans pour un accès égal de tous les citoyens à la société de l’information, les Webs du Gévaudan http://websdugevaudan.wordpress.com/ »
Vous pouvez consulter cet article sur le site:http://websduge.wordpress.com/2010/03/28/internet-solidaire #comments/
Internet est une priorité pour le développement de notre région.En effet il permet à chacun depuis l'éducation jusqu'au développement industriel et touristique d'étudier,de se faire connaître,d'échanger des informations,de travailler à domicile,de faire des réservations de gîte,de chambre d'hôtel de restaurant,etc,etc...